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Billes d’eau : risques (15 07 2020)

Nous vous proposons aujourd’hui cette fiche de vigilance, réalisée par Mmes Weniko CARE et Juliette BLOCH, publiée en juillet 2020 sur le bulletin n°11 de l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire, Alimentation, Environnement, Travail (cliquer ici pour accéder au texte de la fiche de vigilance de l’ANSES )

 

https://vigilanses.anses.fr/sites/default/files/VigilAnsesN11_Juillet2020_Toxicovigilance_Billeseau.pdf

 

Après plusieurs cas d’occlusion intestinale survenus chez de jeunes enfants ayant ingéré des billes d’eau (ou perles d’eau), les Centres antipoison et l’Anses ont recensé tous les appels en liens avec ce type d’accident de 2009 à 2019 chez des enfants. La réglementation en vigueur et les mesures de prévention sont rappelées.

 

Des objets dangereux, utilisés voire vendus comme jouets pour les enfants

Les billes d’eau (ou perles d’eau), formées de polymères super-absorbants, sont vendues dans le commerce, pour un usage décoratif, pour l’hydratation des plantes ou comme composants de jouets voire en tant que jouets à part entière. Elles peuvent également être détournées de leur usage principal décoratif pour des utilisations ludiques ou créatives. Par immersion dans l’eau, les billes de polymères super-absorbants ont la propriété d’augmenter de volume, jusqu'à plusieurs centaines de fois. Souvent multicolores, elles sont attractives pour de jeunes enfants qui peuvent les confondre avec des bonbons et les avaler. Si elles n’ont pas atteint leur taille maximum au moment où l’enfant les avale, elles peuvent continuer à gonfler dans le tube digestif et causer une obstruction intestinale. En 2017, les autorités de santé de Guyane avaient alerté le public sur la circulation de sachets de billes colorées sous l’appellation Seven Color Crystal Ball dans une école et le risque de confusion avec des bonbons. C’est dans ce contexte qu’un cas de décès par occlusion intestinale chez un enfant de deux ans a été déploré en France en 2019. Suite à cela, fin décembre 2019, la Direction générale de la santé (DGS), la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et l’Anses avaient alerté les consommateurs sur le danger de ces produits. Ce communiqué a été transmis à l’Union nationale des associations familiales, au réseau de professionnels de la périnatalité, de la protection materno-infantile et à l’éducation nationale, pour qu’il soit diffusé, notamment au personnel enseignant. Un deuxième cas sévère est survenu en 2020, à nouveau chez un très jeune enfant ayant ingéré une bille d’eau, avec une issue heureusement plus favorable mais au prix d’une intervention chirurgicale lourde de l’intestin grêle.

Une première étude rétrospective française

Les cas d’ingestion des billes de polymères super-absorbants ne sont pas exceptionnels. Ils sont même en augmentation exponentielle, comme le montre une étude rétrospective réalisée par les Centres antipoison sur les 11 dernières années. Dans ce cadre, tous les cas d'ingestion de billes de polymères super-absorbants pour lesquels un Centre antipoison français avait été appelé, entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2019, ont été analysés. Au cours de la période d'étude, 193 cas sont survenus, avec une augmentation notable au fil du temps. Dans 90 % des cas, il s’agissait de jeunes enfants, âgés pour la moitié d’entre eux de moins de 30 mois. Si dans l’immense majorité des situations, l’accident avait eu lieu à la maison, il est important de noter que dans plus d’un cas sur 10, l’enfant avait ingéré la bille d’eau à la crèche ou à l’école. Dans un quart des 193 cas, la personne ayant appelé le Centre antipoison avait indiqué que la bille d’eau était un jouet (par opposition avec un élément de décoration ou destiné aux plantes).

 

Cette mention de ″jouet″ était aussi signalée pour des ingestions impliquant des enfants de moins de 3 ans, alors même qu’en tant que jouet, les billes d’eau sont à tenir hors de portée de ces jeunes enfants. Ceci dénote un défaut de connaissance du risque présenté par ces objets chez certains professionnels de la petite enfance, puisque ces objets avaient été laissés à portée des enfants en tant que jouet. Par ailleurs, trois cas étaient survenus en maternelle.

 

Un retard au diagnostic préjudiciable

 

Ces ingestions n’ont la plupart du temps eu que peu de conséquences, en dehors de l’inquiétude parentale et, dans certains cas, d’une surveillance médicale à domicile. Dans cette série et pour la période d’étude considérée, un seul cas a conduit au décès de l’enfant. Le retard au diagnostic peut aggraver le pronostic. L’ingestion par l’enfant de la bille d’eau peut passer totalement inaperçue des parents ou des adultes présents à ce moment-là.

 

Les symptômes surviennent à distance de l’ingestion, quand le volume de la bille a suffisamment augmenté pour causer une obstruction de l’intestin grêle. Pour le médecin, évoquer une ingestion de corps étranger sera d’autant plus difficile que la bille ne se voit pas à la radiographie. L’échographie ou le scanner sont des moyens plus appropriés pour mettre en évidence ces corps étrangers radio-transparents.

 

Afin d’éviter ces accidents dramatiques, outre les mesures de prévention, il apparaît nécessaire de renforcer la connaissance des médecins urgentistes, chirurgiens et pédiatres de cette étiologie inhabituelle d’obstruction aiguë de l’intestin grêle. Lors de l’interrogatoire, ils doivent demander aux parents si des objets de ce type ont pu être accessibles à l’enfant. De même, une obstruction intestinale doit être suspectée chez tout enfant ayant ingéré des billes de polymères super-absorbants et ayant des troubles gastro-intestinaux (à type de nausée, vomissement, et plus tardivement un arrêt des selles et des gaz). Plus le nombre de billes ingérées est important, plus grand est le risque. En cas d'obstruction, une prise en charge chirurgicale est nécessaire. En revanche, les billes de moins de 2 mm à l’état déshydraté ne semblent pas présenter de risque d’obstruction intestinale.

 

Quelle est la réglementation en la matière ?

 

Lorsqu’ils sont commercialisés en tant qu’objets de décoration ou de jardinerie, ces produits ne suivent aucune réglementation sectorielle spécifique.

 

Lorsqu’ils sont commercialisés comme jouets ou accessoires de jouet, ils doivent alors se conformer à la directive européenne 2009/48/CE du Parlement européen et du conseil, du 18 juin 2009, relative à la sécurité des jouets ainsi qu’à la norme NF EN 71-1 relative aux propriétés mécaniques et physiques des jouets. De façon générale, cette directive prévoit que pour ″les jouets qui sont manifestement destinés aux enfants de moins de 36 mois, leurs éléments et leurs pièces détachables, doivent être de dimension suffisante pour empêcher leur ingestion ou leur inhalation″. Plus précisément, le décret n° 2010-166 du 22 février 2010 et son arrêté d'application du 24 février 2010, qui transposent en droit français la directive européenne 2009/48/CE relative à la sécurité des jouets, précisent que les billes de petite taille (diamètre inférieur à 44.5 mm [gabarit E]) doivent porter la mention ne convient pas à un enfant de moins de 36 mois. Les billes de polymères super-absorbants sont à ce titre des éléments susceptibles d’être ingérés et sont donc interdits à la vente pour cette catégorie d’âge. Ils peuvent toutefois être commercialisés pour des enfants de plus de 3 ans dans le respect de la directive 2009/48/CE. En dehors de ce cadre réglementaire, l’utilisation des billes d’eau à des fins ludiques ou créatives relève d’un détournement d’usage.

 

En conclusion, les billes de polymères super-absorbants, communément appelées billes ou perles d’eau, doivent être tenues hors de portée des jeunes enfants, qui pourraient les confondre avec des bonbons et les avaler. Les professionnels de la petite enfance doivent les écarter de l’environnement des jeunes enfants et ne pas les utiliser comme jouets.

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